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La stérilisation précoce

 

 

Texte: Par les Docteurs vétérinaires Elise Malandain et Anne-Claire Chappuis-Gagnon

« Spécial Chat » no 16

Pour l’éleveur passionné, le renouvellement des reproducteurs est primordial, mais il est tout aussi souhaitable que des sujets non destinés à la reproduction, et vendus comme animaux de compagnie, ne soient pas accouplés. Face à ce problème, les éleveurs Outre-Atlantique pratiquent depuis de nombreuses années la stérilisation précoce. En France, ces opérations, pratiquées entre 2 et 3 mois, sont toujours l’objet de vives réticences…

L’intervention

Il est possible de stériliser un chaton à partir de 7 semaines. La technique chirurgicale est exactement la même que sur un chat plus âgé.

Elle est pratiquée couramment dans les pays anglo- saxons depuis plus de 15 ans maintenant, avec deux indications majeures :

La stérilisation des chatons errants, non destinés à l’adoption, trappés le plus tôt possible et remis dans l’environnement ensuite, après avoir été vaccinés et stérilisés,

La stérilisation des chatons de pure race pour lesquels les éleveurs ont ainsi la garantie que les ac- quéreurs ne les feront pas reproduire.

Technique

La technique ne présente aucune difficulté, bien au con- traire : tous ceux qui la pratiquent témoignent de la facilité à trouver des cornes utérines et des ovaires qui ont, dès l’âge de 7 semaines, la taille et le volume qu’ils ont à 6 mois, le tout dans un environnement dépourvu de graisse.

Chez le mâle, le volume des testicules n’est pas aussi dével- oppé qu’il le sera à 6 mois, mais la castration dès l’âge de 7 semaines ne pose pas de problème technique… sauf sur les races à développement lent comme le Persan, le Scottish et parfois le British où on ne peut parfois parler de cryptorchidie* définitive qu’à 6 à 10 mois.

* absence d’un ou des deux testicules dans le scrotum

L’anesthésie du chaton, un risque majeur ?

L’état général du chaton est primordial seuls des animaux en bonne santé, et correctement vermifugés (attention au ris- que d’anémie) pourront être opérés. L’anesthésie générale demande beaucoup de soins et de vigilance puisque le poids du chaton peut varier de 700 gr à 2 kg, selon l’âge auquel il est stérilisé. Chez le chaton, le risque d’hypoglycémie est plus important que chez un adulte : en effet, les chatons ont plus de mal à maintenir une glycémie normale en l’absence de repas. La mise à jeun chez les chatons doit donc s’effectuer plus tardivement. Un délai de 4 à 5 heures entre le dernier repas et la chirurgie doit être respecté. La diète qui ne doit pas dépasser 3 à 4 heures sur des chatons de 7 à 8 semaines, suivie d’une ré-alimentation une heure après l’intervention (l’hypoglycémie est rapide et entraîne une hypothermie qui va consommer beaucoup d’oxygène), et sur le maintien de la température cor- porelle en utilisant des moyens sûrs comme un tapis chauf- fant, une couverture polaire avec une alèse placés sous le chaton, des gants d’examen remplis d’une eau dont on aura préalablement vérifié la température et qu’on ne laissera pas refroidir au contact du chaton. Les brûlures sont très fréquentes avec des gants remplis d’eau trop chaude ou avec des lampes infrarouges. Aussi futiles paraissent-ils en apparence, tous ces conseils sont utiles et contribuent à une bonne anesthésie suivie d’un excellent réveil. Enfin, les suites opératoires sont souvent moins difficiles pour le chaton que pour l’adulte.

Au préalable à l’intervention, quand c’est possible, il est souhaitable que le chaton ait reçu au moins la première injection de vaccination contre la panleu- copénie, l’herpès virose et les Caliciviroses.

Ni les études européennes, ni les études américaines, n’ont pu mettre en évidence la moindre incidence dom- mageable pour la santé et le développement du chat stérilisé précocement. La stérilisation précoce n’est donc aucunement dangereuse pour la santé du chat.

Les idées reçues

La croissance

On dit souvent que la stérilisation réalisée lors du jeune âge entraîne une croissance réduite, et donc de petits individus. Or, les hormones sexuelles (testostérone et œstradiol) in- terviennent dans la fermeture des cartilages de croissance, ce qui pourrait au contraire laisser penser à une croissance plus importante. Des études statistiques, réalisées aux Etats Unis, ne montrent pas ou très peu de différence de fermeture des cartilages de croissance et de taille adulte, que le chat ait été stérilisé à 7 semaines ou à 7 mois. Eventuellement, il faut alors s’attendre à ce que le chaton soit très légèrement plus grand en fin de croissance.

Les calculs urinaires chez le mâle

La castration précoce du chat mâle a longtemps été accusée de favoriser l’apparition de calculs urinaires, par diminu- tion du diamètre de l’urètre (conduit reliant la vessie au méat urinaire). Des mesures ont été réalisées en comparant les diamètres urétraux de chats castrés à 7 semaines et à 7 mois et n’ont montré aucune différence. La castration précoce n’est donc pas en soi un risque supplémen- taire de calculs urinaires. Par contre, le développement du pénis est limité chez les animaux castrés très jeunes, et son extériorisation devient alors plus difficile que chez des animaux castrés plus tardivement.

L’obésité

Bien que l’obésité puisse survenir chez tous les chats (cas- trés ou entiers) et que l’activité et la nourriture jouent un rôle prépondérant, les animaux castrés ont un risque d’obésité plus élevé, du fait d’une diminution des besoins énergétiques liés à la castration. La stérilisation précoce n’entraîne pas de hausse de ce risque par rapport à une stérilisation plus tardive. II convient, quel que soit l’âge de l’opération, d’adopter des mesures préventives de la prise de poids.

Les avantages de la stérilisation précoce

Les tumeurs mammaires chez la femelle

Les chattes castrées ont en- viron sept fois moins de risques que leurs congénères intactes

de développer une tumeur mammaire. Chez la chatte, ces tu- meurs sont d’ailleurs souvent de très mau-
vais pronostic (90%
de malignité). Pour réduire ce risque au maximum, il convi- ent de stériliser les chattes avant leu

premières chaleurs, ce qui n’est pas toujours le cas des femelles opérées aux alentours de 7 ou 8 mois.

Les troubles du comportement (marquages urinaires) chez le mâle

On note chez les mâles stérilisés précocement une nette

diminution des troubles du comportement liés à la montée hormonale (entre 5 et 8 mois). Ceux-ci se représentant souvent par du marquage urinaire, apparenté par les maîtres à des troubles du comportement et étant responsable de 15 % des abandons en France.

La reproduction non désirée

II est évident que l’anesthésie d’un chaton de 2 mois est plus délicate, et nécessite une expérience particulière. Ceci étant, pratiquée dans de bonnes conditions, elle ne présente pas plus de risques. Selon le même principe, nombreux sont les propriétaires de chattes qui pensent bien faire en attendant que les premières chaleurs de la femelle soient passées pour pratiquer la stérilisation, voire même qui partent du principe qu’une chatte a « besoin » d’avoir une portée dans sa vie. Cette vision anthropomorphique est trompeuse car faire naitre des chatons est avant tout le désir du maître. Il n’a jamais été prouvé que le sen- timent maternel, inconnu jusqu’alors, soit indispensa- ble au bonheur d’une chatte. Il peut sembler par ailleurs,

cruel de l’en priver ensuite. Quant au légendaire bien-être physiologique, une chatte ayant eu ses premières cha- leurs ou ayant eu une portée a 57 % de chances en plus de développer des tumeurs mammaires, mor- telles dans la plupart des cas. Cette position, terrible- ment anthropomorphique contribue au développement de la population de chats errants en France, puisqu’il n’est pas toujours facile de placer les chatons issus de ces portées.

Le point de vue des éleveurs

Bien entendu, si la stérilisation précoce est avantageuse pour nos chats, elle l’est également pour les éleveurs : elle leur permet de réduire le pool génétique (donc d’en avoir la maîtrise) et évite surtout l’éparpillement de leurs lignées. L’éleveur travaille quotidiennement pour l’amélioration de la race et certains chatons doivent re- produire, d’autres non. L’éleveur est dans ce cas le meil- leur juge, et sa décision repose toujours sur le bien-être du chat, sa santé et l’avenir du cheptel. Par ailleurs, face à l’appel de la nature, un accouplement accidentel entre un chat de race et partenaire de hasard présente de nom- breux risques : maladies (sida du chat), incompatibilité de groupe sanguin, tares génétiques, portées trop nom- breuses, chatons difficile à placer… On ne s’improvise pas éleveur !

Narcissa Black des Elfes du Lac, la stérilisation précoce